
On sait que plus de 62% des habitants de l’Ile-de-France, soit près de 7,5 millions de personnes, vivent dans des zones sous-dotées en médecins généralistes, ce qui fait de cette région
le 1er désert médical de la métropole.
Si Paris et les Hauts de Seine sont les départements les moins touchés, le Val d’Oise fait partie de ceux où la situation est la plus dramatique.
Les communes populaires et les territoires ruraux sont plus durement touchés que les villes à la population plus aisée, comme Enghien, Montmorency ou Domont.
Plus grave encore, plus de 1,7 million de patients se retrouvent sans médecin traitant en Ile France, des services de garde ferment faute de médecins et les centres d'appel manquent de médecins régulateurs.
Un médecin sur deux a plus de 60 ans et un sur quatre, plus de 65 ans.
Cela explique qu’en dix ans, la région ait perdu plus de 3 700 médecins libéraux : 1 800 généralistes, 28% de ses dermatologues, 26% de ses gynécologues, 22% de ses ophtalmologues et de ses rhumatologues.
Parmi ceux qui restent, nombreux sont ceux qui ne prennent pas de nouveaux patients.
Quelques exemples parmi d’autres dans les communes de la Plaine de France.
- À Sarcelles village, le centre médical Pierre Curie proche de la gare a fermé depuis près d’un an, : il comptait 4 praticiens dont 1 seul est resté sur la territoire
- Ce déficit n’a pas pu être comblé par l’installation d’un seul jeune médecin qui, surchargé, ne prend déjà plus de nouveaux patients
- Sur le secteur Ecouen Ézanville plusieurs médecins généralistes sont partis en retraite sans installation nouvelle et la seule dermatologue ne prend plus de nouveaux patents
- À Domont, la clinique privée Ramsay compte de nombreux spécialistes, mais la situation de la médecine de ville reste tendue : le seul rhumatologue parti en retraite n’est pas remplacé, il n’y a plus de dermatologue ni de psychologue et il est toujours difficile d’obtenir un rendez-vous en ophtalmologie,
- À Saint Brice, l’ancien cabinet de la rue des Glycines a fermé depuis 2 ans : le généraliste et la gynécologue (qui était une des rares de sa spécialité sur le territoire), ne sont pas remplacés
- De même pour le psychiatre qui exerçait près de la gare, dont la remplaçante prévue ne s’est pas présentée
- Il reste à notre connaissance deux cardiologues en médecine de ville, l’un à Villiers le Bel, l’autre à Groslay ; mais pour combien de temps encore ?
La densité de médecins généralistes montre que les territoires les mieux dotés sont aussi les plus attractifs d’un point de vue des équipements (sportifs, culturels, commerciaux et scolaires).
Les déserts médicaux sont associés à des déserts numériques et des déserts d’écoles. Mais si on ne peut pas se soigner, les gens s’en vont, et on ferme encore plus d’écoles…
Et sans écoles, les gens s’en vont encore… Et les déserts s’intensifient
Le serpent se mord la queue …
Face à ce situation qui porte atteint au principe d’égalité d’accès aux soins, et surtout à la santé de os concitoyens, certaines communes tentent de prendre des initiatives pour inciter à
l’installation de jeunes médecins.
C'est par exemple le cas de Domont, de St Brice et plus récemment d'Ecouen qui souhaitent favoriser la création de cabinet médicaux : mais si ces établissements
permettront peut-être le maintien sur place des praticiens déjà installés, rien ne garantit qu'ils accueilleront vraiment de nouveaux médecins remplaçants ceux qui sont partis.
Parallèlement, des étudiants stagiaires sont parfois appelés à venir renforcer l’effectif de el ou tel cabinet
Mais ces initiatives fort louables n’ont pas toujours de grand succès, tant la conception libérale, voire mercantile, de la médecine semble partagée parmi les praticiens, même les plus jeunes.
On s'en aperçoit notamment à la lumière des créations de centres spécialisés (odontologie, ophtalmologie, ...) et même de médecin générale qui viennes suppléer aux carences de la médecine
de ville : Sarcelles, Enghien, Moisselles, Argenteuil, ...
Ils émanant presque tous de réseaux commerciaux ou de groupes hospitaliers privés (comme le groupe privé suédois Ramsay qui possède déjà dans notre secteur les cliniques de Domont, d'Ermont, de
Bezons et d'Epinay.
Traiter ce grave problème de santé publique nécessite assurément plus de mesures volontaristes que les seules incitations financières envisagées par le gouvernement.
Une régulation de l’installation des médecins semblerait particulièrement nécessaire, y compris peut-être en calquant leur mode d’installation sur celui des pharmaciens lesquels ne peuvent ouvrir une pharmacie à proximité d’une officine déjà existante
A long terme bien sûr, la solution passe par une augmentation du nombre d’étudiants en médecine et la réforme en profondeur de leurs études.
Il est clair cependant que, même lorsqu’elle existe, la volonté politique prendre des mesures efficaces se heurte aux résistances de nombreux lobbys.
Seule la mobilisation citoyenne pourrait permettre de les vaincre et de refuser l'idéologie de la santé comme marchandise.