
Plus de stages et moins de cours ?
Les enseignants et les élèves des lycées professionnels s'inquiètent d'une nouvelle réforme qui, pour eux, "renonce à l'ambition scolaire". Ce projet vise à réduire les enseignements, généraux comme professionnels, et à calquer les diplômes sur les besoins des entreprises de proximité.
Or tous les enseignants s’ont hostiles à l'idée d’augmenter le temps de stage, et ils revendiquent plutôt un renforcement des fondamentaux en classe pour rattraper le retard des
élèves.
L’autre aspect du projet gouvernemental est de calquer les formations sur les besoins de l’économie locale.
Une logique qui peut sembler de bon sens. Mais, dans le souci de toujours mettre l’État au service des entreprises, le gouvernement va miner l’acquisition de compétences générales par ces futurs ouvriers et employés.
Un savoir pourtant indispensable à leur carrière future.
La « mobilité » chère aux macronistes n’a plus court dès que l’on parle des lycéens en Bac professionnel.
Issus majoritairement des classes populaires et/ou de l’immigration, ils seraient ainsi comme assignés à un pseudo-bassin d’emploi local dont personne ne peut connaître, ni la réalité, ni la pérennité.
Mais ces jeunes sont loin d'être dupes : ils savent qu'ils ne pourront pas toujours travailler dans la même entreprise.
Souvent perçu comme "la filière poubelle" ou "le parcours de la dernière chance", le lycée professionnel est aujourd'hui pointé du doigt par le gouvernement et le patronat pour son prétendu fort taux d'absentéisme et de décrochage.
C’est pourquoi ils disent vouloir opérer une "transformation profonde" de la filière.
Emmanuel Macron lui-même a annoncé notamment devant les recteurs sa décision d'augmenter la durée des stages des lycéens professionnels d'au moins 50%, ce qui va évidemment réduire les heures d'enseignement général.
Cet acharnement contre les lycées professionnels n’est pas nouveau : engagé dès 2008 avec la transformation du BAC Pro en 4 ans par le Bac Pro en 3 ans, générant ainsi la perte, pour les élèves,
d’environ 30% des heures d’enseignement professionnel et général, il s’est poursuivi en 2018 avec une nouvelle réforme du Bac Pro, qui dorénavant ne porte plus que sur 2 ans, l’année de seconde
étant dévolue à la connaissance d’une « famille de métiers ».
Le projet de Macron ne convainc personne parmi les syndicats d’enseignants de la filière professionnelle : ils étaient tous mobilisés pour la refuser lors de la journée d’action le 18
octobre.
Ils constatent notamment que les matières professionnelles ont pâti des 2 réformes précédentes, qui leur a fait perdre plusieurs heures d’atelier au point que certains parlent d’une véritable
déprofessionnalisation du Bac Pro : un comble !
Mais les matières professionnelles ne sont pas les seules affectées.
Donner aux élèves les bases dans les matières générales devient également très compliqué : enseigner le français, l'histoire et les mathématiques, comme le sport, les langues vivantes ou encore
les arts appliqués est devenu une gageure avec si peu d’heures de cours.
Cela est d’autant plus préjudiciable aux élèves des lycées professionnels que très peu d’entre eux ont choisi cette filière de leur plein gré.
La quais totalité d’entre eux ont en réalité subi cette orientation professionnelle, par défaut, en raison de leurs faibles résultats scolaires à la fin du collège.
Ce sont souvent des élèves qui cumulent des difficultés économiques et sociales, ce qui les rend plus fragiles encore.
Au lieu de réduire leurs heures d’enseignement, notamment dans les matières générales, il faudrait plutôt les augmenter pour leur permettre de mieux maîtriser le cadre professionnel dans lequel
ils vont être appelés à travailler.
Sans oublier que l’éducation nationale a également pour finalité de former des citoyens !
Quant à l’apprentissage, chacun sait que c’est un miroir aux alouettes, tant il est déjà très difficile de trouver un stage, même quand il n’est pas rémunéré.
Il arrive de plus en plus, comme les élèves ne trouvent pas de stage, que les professeurs soient obligés de réduire l'exigence pédagogique afin qu'ils puissent quand même connaître le rythme de
l'entreprise.
Mais cela a un impact sur la pertinence du stage par rapport au métier.
C'est pourquoi, l'idée d'augmenter les périodes en entreprise fait bondir.
La formation se fait d'abord à l'école, avant de se faire en stage : sans les fondamentaux, c'est la réussite aux examens et donc la poursuite éventuelle d’études après le bac, en BTS notamment,
qui semblent également compromises.
On comprend mieux pourquoi tous les acteurs de la filière professionnelle ont le sentiment que le gouvernement veut sacrifier une partie de la jeunesse, celles des milieux populaires, sur l'autel des intérêts du patronat.
Il faut défendre les lycées professionnels !