HOMMAGE AUX 23 IMMIGRÉS FUSILLÉS DE L’AFFICHE ROUGE

Dans l’Est du Val d’Oise, les mouvements progressistes ont coutume d’honorer le martyr des 23 résistants de la MOI (Main d’œuvre immigrée) du groupe Manouchian  (ceux de l’affiche rouge).

 Une stèle est érigée dans la commune d’Arnouville , où existe depuis le début du 20eme siècle une importante communauté arménienne.

 Les 5 groupes d'insoumis de Sarcelles et de la Plaine de France ont décidé de réaliser leur propre hommage dimanche 19 février (soit 2 jours avant la date anniversaire de leur exécution au Mont Valérien)

 

Cette région ayant été particulièrement marquée depuis le début du 20ème siècle par l’arrivée d’immigrés provenant de diverses régions du monde, ils ont choisi, à l’occasion de cette modeste manifestation, d’affirmer la position de leur mouvement  quant à la place des « immigrés » dans notre république, alors que Macron et Darmanin s’apprêtent à envoyer à nouveau des signes de connivence à l’extrême droite à ce sujet.
On trouvera ci-après le texte de l'allocation prononcée par leur porte parole.

 

Nous sommes réunis ici, à l’initiative des groupes d’insoumis.es de la région de Sarcelles-Domont, devant la stèle qui honore la mémoire des 23 héros et martyrs de la Résistance connus sous le nom de « ceux de l’affiche rouge »
Fusillés le 21 février 1944 (à l’exception de la seule femme du groupe, Olga Bancic, déportée en Allemagne pour être décapitée à la hache), tous étaient des immigrés : Arménien, Italien, Espagnol, Hongrois, Polonais, Roumaine, …


L’occupant nazi et ses collaborateurs ont tenté de monter le peuple français contre ces résistants, et à travers eux contre tous les résistants, en placardant sur les murs de Paris une affiche montrant leurs portraits sur fond rouge, avec le titre provocateur :« La libération par l’armée du crime ».
On le sait, chaque régime oppresseur, ou chaque puissance occupante, cherche à faire passer pour des criminels, ou pour des terroristes, ceux qui combattent l’oppression et l’occupation.
Dans ce cas, cette pitoyable tentative s’est retournée contre ses auteurs. L’affiche est devenue un emblème de la résistance sous le nom de « l’affiche rouge », magnifiée par le grand poète et résistant Louis Aragon.

 

Comme vous le savez, le gouvernement Macron-Borne-Darmanin veut une fois de plus faire voter au Parlement une loi anti-immigration avec le soutien officiel ou tacite de l’extrême droite de Le Pen et Zemmour, ainsi que de la droite de Ciotti Pécresse Bertrand.


Quel symbole que le lieu choisi pour ériger la stèle rappelant le sacrifice de ceux de l’affiche rouge
-    au carrefour de la rue Jean Jaurès (ce grand tribun socialiste, internationaliste, pacifiste, assassiné par l’extrême droite en 1914 en raison de son opposition à la guerre)

-    et de la rue Missak Manouchian (le chef de ce groupe de résistants, rescapé du génocide arménien, ouvrier et poète, membre du parti communiste français)


Morts pour la France, exécutés par les nazis avec la complicité de la police parisienne, aucun d’entre eux n’avait pourtant la nationalité française, et plusieurs d’entre eux étaient juifs.
Mais ils avaient pris les armes, dans la clandestinité, au péril de leur vie, pour défendre la pays qui les avait accueillis et qui était ainsi devenu leur nouvelle patrie.

Alors que tant de Français dits « de souche » étaient encore passifs face à l’occupant nazi, quand ils n’en étaient pas les complices ou les collaborateurs.
Au-delà de la mémoire de ces 23 martyrs et de leur sacrifice héroïque, nous voulons témoigner aujourd’hui, nous les insoumis et insoumises de la région de Sarcelles-Domont, de notre combat contre toutes les formes de racisme, de xénophobie et de discrimination.
Les communes de notre région ont toutes connu, au long du 20ème siècle, et de manières différentes, l’arrivée de nombreux travailleurs avec leurs familles, venant de contrées plus ou moins lointaines :

-    Les Arméniens rescapés du génocide et dont la présence est si visible ici à Arnouville
-    Les Italiens (par exemple venus du Frioul travailler dans les nombreuses briqueteries, et dont on peut voir le symbole sur certains ronds-points, à Domont notamment, avec leur valise et parfois leurs grands chapeaux)
-    Les Espagnols républicains exilés après la guerre civile et pourchassés par le régime franquiste
-    Les Portugais fuyant la misère, la dictature et les guerres coloniales
-    Les Algériens, Marocains et Tunisiens recrutés massivement par les entreprises françaises après-guerre, et dans les années 60-70, pour reconstruire la France
-    Les Vietnamiens victimes de la longue guerre d’indépendance contre la France et les USA
-    Les Chiliens survivants des tortures de Pinochet
-    Les Africains des anciennes colonies françaises et portugaises, de l’Afrique de l’Ouest comme de l’Afrique équatoriale, contraints de quitter leurs pays maintenus en sous-développement par le néocolonialisme  
-    Les réfugiés des guerres dans les Balkans après l’éclatement de la Yougoslavie, notamment les Roms, victimes de la tsiganophobie qui s’est encore manifestée récemment près de chez nous, rappelant tragiquement le génocide perpétré par les nazis contre ceux qu’on nomme « les gens du voyage »
-    Et plus récemment, les victimes des conflits sanglants du Moyen Orient, en Turquie, en Irak et en Syrie : Kurdes, Assyro-Chaldéens principalement, …


Nous savons bien que ce n’est pas de gaité de cœur qu’ils ont quitté leur pays natal et que, souvent, ils ont dû affronter de nombreuses épreuves avant d’arriver en France ; sans compter que certains membres de leur famille, ou des compagnons de route, n’ont pas survécu à ce voyage périlleux.
Ils ont affronté d’autres épreuves dans notre pays, et ils en connaissent encore aujourd’hui, plusieurs années après.
Autant de blessures qui s’ajoutent aux douleurs de l’exil.
Et que subissent aussi fréquemment leurs enfants et leurs petits-enfants.


Qu’ils sachent que nous gardons la mémoire de ce qu’on fait pour la France les 23 immigrés de l’affiche rouge il y a 80 ans, comme les tirailleurs sénégalais ou les goumiers marocains de la 1ère guerre mondiale (à l’image de ceux qui sont enterrés au cimetière d’Ecouen), et ceux qui ont participé aux combats de la seconde guerre mondiale pour la libération du pays, en Afrique, en Italie, en Provence et jusqu’en Allemagne.


Nous voulons ici affirmer que la terre où habitent à présent leurs familles, cette terre qui proclame au monde - Liberté Égalité Fraternité - est devenue la leur dès lors qu’ils s’inscrivent dans ces valeurs universelles.
Non seulement ils sont chez eux en France, mais ils sont la France, parce qu’ils la font vivre.


Pour nous insoumis.es, ils sont nos frères et nos sœurs en République.
Nous sommes ici pour le leur dire, et pour le leur promettre devant les martyrs de l’affiche rouge.